Toupie, la chienne misandre
(Extrait du livre “Communication animale et karma des animaux“)
Il y a quelque temps, une patiente avait pris un rendez-vous pour sa chienne.
Durant le soin, Toupie manifestait beaucoup de méfiance et de répulsion envers la gent masculine. Des lectures de vies passées expliquaient entre autres pour quelles raisons : maltraitances, manque de respect, etc.
En discutant avec la dame, elle avait dit ouvertement qu’elle trouvait que « les hommes, de toute façon, sont tous des c***s ! Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! » Cet éclat de voix très aligné avec ses convictions intérieures m’avait permis de mieux comprendre pourquoi la problématique de Toupie était aussi ancrée…
La propriétaire avait ensuite indiqué que le compte rendu initial lui parlait bien, en effet, car la raison principale de sa demande de soin était que sa chienne devenait de plus en plus intenable en balades, car dès qu’elles croisaient un homme, Toupie tirait très fort sur la laisse, soit pour fuir le monsieur, ou alors pour lui sauter dessus et l’attaquer. Elle avait aussi précisé que Toupie était une très grosse chienne (environ soixante kilogrammes), même plus lourde qu’elle-même humaine… Elle craignait donc le crescendo des « attaques », car à ce stade, elle savait qu’elle ne pourrait pas retenir Toupie si elle donnait le maximum de sa puissance…
Au fil de la conversation avec Toupie au sujet de son agressivité androphobe, celle-ci avait dit, en parlant de sa maîtresse : « Mais elle me demande de le faire. »
Hmm… Il y avait clairement là une incompréhension entre les deux qu’il fallait élucider !
En indiquant ceci à la dame, elle avait réfléchi, puis en décortiquant la situation, elle avait fini par admettre que tous les matins, tandis qu’elle se maquillait avant d’aller travailler, elle avait pour habitude de pester contre son chef essentiellement (avec qui elle avait de très mauvais rapports), mais aussi fréquemment sur son ex, ou son père, ou encore son frère…
Bien sûr, elle ne disait pas textuellement à Toupie : « Va attaquer les hommes parce que je ne les aime pas ! », mais par son comportement presque rituel du matin, elle émettait l’énergie « les hommes sont des nuisances », et Toupie, qui était toujours à côté d’elle à ces moments, captait le message. En conséquence, afin de protéger sa propriétaire et de « débarrasser le monde de nuisances », elle s’attaquait aux hommes dès qu’elle en croisait, d’autant plus que, comme évoqué, Toupie avait elle-même un historique chargé avec les messieurs…
La dame avait eu un moment de silence, puis elle m’avait avoué qu’au fond d’elle, chaque fois qu’elle voyait Toupie vouloir s’en prendre à la gent masculine, elle était fière de sa chienne « qui y voyait clair dans leur petit jeu » et elle se disait : « J’ai bien raison de penser que les hommes sont tous des c***s, car même ma chienne est d’accord avec moi ! »
En bref, elles s’enfonçaient le clou l’une l’autre à travers leurs comportements, sans s’en rendre compte…
J’avais alors indiqué à la dame que je pouvais travailler sur Toupie pour qu’elle lâche ses blocages et amalgames négatifs envers les hommes ; mais j’avais insisté sur le fait que pour être cohérente dans ce qu’elle demandait et attendait de sa chienne, il fallait qu’elle-même aussi fasse des efforts pour changer sa propre vision des hommes. Autrement, cela reviendrait à demander à un alcoolique de cesser de boire, pendant qu’un autre alcoolique s’enivrerait comme un trou à côté : cela ne serait pas cohérent et risquerait de refaire plonger le premier dans l’alcool. Le « Faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais ! » est idéal pour générer des rechutes…
Au contraire, si elle allait dans le même sens que sa chienne, alors cela pourrait être matière à ce qu’elles se motivent l’une l’autre pour sortir de leurs schémas entravants, de manière à ce que lorsque l’une aurait un moment de rechute et l’envie de baisser les bras, l’autre l’encourage par son comportement, et inversement. (C’est comme le fitness : c’est toujours plus encourageant de le faire à plusieurs pour se motiver mutuellement !)
La dame avait réfléchi, car mes propos la contrariaient quelque peu…
Puis elle avait déclaré : « Vous savez… À mes yeux, il n’y a pas un homme pour rattraper l’autre, ils sont tous des [noms d’oiseaux]. Pour cette raison, je n’ai pas envie de changer mon regard sur eux, car ils n’en valent pas la peine ! » Elle avait marqué un silence, puis avait poursuivi : « Par contre, ma chienne, elle, en vaut la peine. Et pour elle, je vais faire des efforts. Pas pour les hommes ! Mais pour Toupie ! » (Elle avait bien insisté sur le fait qu’elle ne faisait pas les efforts pour le bien des hommes…)
Je l’avais encouragée dans cette voie, puis j’avais poursuivi le soin. En travaillant sur elle, cela pouvait encourager Toupie à faire de même, afin que toutes deux surmontent leurs blocages.
Un peu plus d’un mois plus tard, elle m’avait recontactée pour me donner des nouvelles.
Elle m’avait avoué qu’après avoir raccroché le téléphone, elle avait eu un pic de colère et s’était dit qu’elle avait perdu son temps avec mes suggestions idiotes et idéalistes. Puis elle avait réfléchi et s’était dit que comme elle constatait que la situation avec Toupie allait de pire en pire depuis des mois, malgré toutes les tactiques qu’elle avait essayées, elle pouvait bien au moins essayer un moment pour voir. C’était ce qu’elle avait fait.
Dans un premier temps, elle avait déjà commencé à cesser de parler à haute voix le matin en pestant contre les hommes. Elle pestait toujours contre eux, mais seulement dans sa tête et moins longtemps, car alors elle se rendait compte que ses pensées allaient d’elles-mêmes ailleurs. Puis elle avait commencé à mettre la radio et à chanter les chansons qui passaient, plutôt que de penser aux hommes et à se saboter la journée avec des pensées négatives dès le réveil.
En parallèle, Toupie devenait de plus en plus calme lors des balades et il lui arrivait même de plus en plus souvent d’ignorer les hommes (comportement ni agressif, ni amical).
Puis la dame avait mis en pratique une autre astuce : elle s’était mise à regarder des films ou divertissements où des hommes prennent soin de leur animal (par exemple des policiers avec leur chien policier qu’ils traitent avec tout l’amour du monde ; ou les dessins animés Garfield, où les animaux sont des rois et dont le propriétaire est un homme ; etc.). Elle s’était même mise à chercher des faits réels, comme des associations qui défendent les droits des animaux et dont certains membres sont des hommes. Et à chaque fois, elle disait à Toupie : « Hé, regarde ! Lui, c’est un homme, mais il prend soin de son animal/des animaux ! » (Elle réveillait même Toupie lorsqu’elle dormait pour lui montrer ces occurrences !)
Ceci leur permettait à toutes deux de se rouvrir, petit à petit, à l’idée qu’il existait aussi des hommes bien et gentils.
Plus elle mettait de stratégies en place, plus il devenait facile d’en instaurer d’autres et plus les balades devenaient sereines, ce qui la motivait à continuer.
La dame avait même concédé que depuis qu’elle avait entrepris ces efforts, ses relations avec son chef s’étaient améliorées. Bien sûr, ils n’étaient pas devenus les meilleurs amis du monde, mais ils se toléraient et parvenaient enfin à travailler dans de bonnes conditions, même s’ils se trouvaient dans la même pièce. La dame ne ressentait plus les mêmes émotions vives désagréables à la vue de représentants de la gent masculine.
Toupie, quant à elle, était devenue exemplaire en balades et ne tirait plus du tout sur la laisse, même lorsqu’un homme passait très près.
Par le biais de cette CA, les deux étaient parvenues à trouver un équilibre, en comprenant l’effet miroir entre elles et en faisant leur maximum pour surmonter les blocages inhérents.
Cela ne voulait pas dire que l’une avait pris sur elle les blocages de l’autre ; chacune avait ses propres bagages datant d’avant leur rencontre. Toupie avait été adoptée d’une SPA à l’âge de quatre ans, et la dame éprouvait une antipathie envers les hommes depuis de nombreuses années, avant même d’avoir adopté Toupie.
Elles avaient des bagages individuels, mais elles avaient pu travailler ensemble sur ceux-ci.
La CA peut initier un élan de développement personnel pour les humains entourant l’animal et ces efforts paient au final pour tout le monde, car tout le monde parvient ainsi à trouver un meilleur équilibre.
Dans le cas de Toupie, sa propriétaire avait choisi de se forcer à travailler sur elle par amour pour sa chienne. Et cela leur avait réussi à merveille à toutes les deux !